segunda-feira, junho 25, 2012

Contributo para a História das relações russo-portuguesas: Ribeiro Sanches - 5



Publico aqui a quinta parte da comunicação de um professor francês sobre a obra de Ribeiro Sanches na Rússia, apresentada na Escola de Estudos Eslavos e da Europa Oriental da Rússia: 
Continuação
  
"Georges Dulac
Université Paul-Valéry Montpellier
POLITIQUE DE CIVILISATION ET COLONIES EN RUSSIE
D’APRES LE DR RIBEIRO SANCHES (1765-1766)
Après avoir pris soin de détailler les multiples fonctions assumées par les colonies romaines, Sanches n’envisage guère, concernant la Russie, que leur rôle dans le projet central de «civiliser» les différentes parties de l’empire tout en assurant la prospérité de leur population. Bien qu’il fasse allusion aux fonctions militaires de certaines colonies, comme celles établies au sud de l’Ukraine, face à la Crimée, il estime qu’aucune menace extérieure n’est réellement à redouter, et par un glissement significatif, il assigne à celles qu’il propose de créer sur leur modèle un rôle dans le développement de l’économie et de la population: «Les colonies à l’imitation de celles des lignes d’Ukraine établies par Pierre le Grand, écrit-il, seraient le plus sûr moyen de civiliser cette province et de la rendre extrêmement utile à la Russie». Et de conseiller par exemple la plantation de vignes «tout au long de la rivière Donetz [où] le terrain depuis son embouchure dans le Don jusqu’à Bielogorod est entrecoupé de collines très agréables: on y augmenterait de beaucoup la population; la vigne occupant plusieurs mains, ce serait le moyen le plus effectif de peupler cette partie de terrain qui est aujourd’hui presque déserte» (Moyens, p. 36). Mais c’est surtout dans les provinces baltes qu’il juge nécessaire un important effort de colonisation, la Russie ne pouvant considérer avec indifférence («d’un oeil pacifique») l’extraordinaire sous-peuplement de cette région étouffée par les accaparements de sa noblesse: selon son calcul, le nombre de travailleurs y est trois fois inférieur à ce que pourrait autoriser la surface des terres cultivables. En outre, puisqu’on a entrepris de développer les activités portuaires dans la région de Revel (l’actuelle Tallin), il propose de multiplier progressivement les colonies sur les côtes de Livonie et d’Estonie, de Narva à Riga: car ces régions «demandent des matelots en abondance, des matériaux pour la marine et le cabotage et pour la pêche, [elles] demandent la nourriture et les métiers de simple nécessité» (Moyens, p. 25). Il s’agit, autrement dit, de créer un environnement économique et social favorable. C’est à propos de ces «colonies maritimes» que Sanches entre dans le plus de détails, leur organisation matérielle et politique devant répondre aux conditions très particulières de la province: ainsi les terres allouées à chaque colon ne pourraient être aliénées et séparées de la colonie; celle-ci disposerait d’une certaine autonomie en matière de justice, de police et d’administration; enfin la Couronne devrait consentir d’importantes «avances en bâtiments, maisons, bateaux de pêche, animaux pour l’agriculture, etc.», tout en renonçant à y percevoir taille et capitation (Moyens, p. 25-26).
L’insistance sur les dispositions à prendre pour multiplier et faire prospérer des colonies russes au bord de la Baltique répond en fait à deux intentions précises et proprement politiques qui vont au-delà du projet général de mieux «lier» les provinces à la Russie. Sanches, qui s’en explique brièvement mais avec beaucoup de clarté, leur accorde visiblement une importance particulière.
La première de ces visées est de modifier la structure bloquée d’une société écrasée par une noblesse trop riche et trop puissante: en se constituant comme des pôles de prospérité indépendants de la société traditionnelle, en favorisant le développement de nouvelles activités commerciales, en justifiant un changement de l’organisation judiciaire (qui ne reposerait plus uniquement sur des tribunaux de langue allemande), les colonies pourraient contribuer à rééquilibrer la répartition des moyens financiers et du pouvoir à l’intérieur de ces provinces, non sans profit pour l’autorité impériale: Il semble [...], écrit Sanches en conclusion d’un chapitre consacré aux colonies de cette région, que par quelque chemin qu’on veuille y arriver, il faut toujours viser à ce but: que les richesses, dont sa première noblesse fait parade ne restassent toujours concentrées dans les mêmes familles et que la grande disproportion qu’il s’y trouve entre les nobles, bourgeois et esclaves fut réduite à de justes termes, conservés selon la loi du bien commun, sans préjudices de leurs privilèges. (Moyens, p.28)
La seconde intention de Sanches est d’apporter un élément de réponse aux questions posées à la fin de son mémoire: comment les multiples propositions qu’il a formulées peuvent-elles échapper à l’utopie, alors que leur réalisation demanderait des moyens financiers énormes? Ou encore: par où commencer? A propos des dispositions à prendre pour protéger la propriété paysanne qu’il faudrait commencer à instaurer, il a cette réflexion désabusée: [...] il semble que le souverain ne doit la justice qu’à sa noblesse, parce que le paysan paye si peu que les revenus qui en sortent ne sont pás suffisants pour payer les justices dans les villes et les villages.
Sans doute a-t-il alors présent à l’esprit l’objection que l’impératrice vient d’opposer au prince Alexeevitch Golitsyn, qui avait repris, en les simplifiant, ses arguments en faveur d’une administration judiciaire protégeant la propriété mobilière qui serait accordée aux paysans de la Couronne: «Cela Seul emportera le produit des domaines» avait-elle noté[8]. Récapitulant les différentes «avances» que devrait faire le souverain au profit des provinces, pour créer des routes, acheter des terres et installer des colonies, faire éduquer les jeunes nobles, renforcer l’encadrement administratif et le système judiciaire, il en conclut que les revenus de l’empire sont à l’évidence insuffisants. «Faudra-t-il rester avec les bras croisés [...]?». Sa réponse tient en deux brèves réflexions: les mesures proposées en faveur des paysans de la Couronne, par la dynamique qu’elles engendreraient, amèneraient un accroissement des revenus impériaux, qui à son tour permettrait de nouvelles «avances»; d’autre part, dans les provinces comme la Livonie, qui possèdent déjà leurs lois et une certaine forme de liberte civile, la Couronne ne sera pas obligée de «faire de grandes avances pour les régler selon ce qu’on a proposé ci-dessus»: c’est donc par elles qui faut commencer. Sur ce point encore, la proposition de Sanches n’était pas sans rapport avec certaines vues de l’impératrice qui venaient d’aboutir dans les provinces baltes à faire reconnaître, au moins théoriquement, de nouveaux droits aux paysans (Madariaga, p. 65).

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