terça-feira, junho 19, 2012

Contributo para a História das relações russo-portuguesas: Ribeiro Sanches - 2



 Publico aqui a segunda parte da comunicação de um professor francês sobre a obra de Ribeiro Sanches na Rússia, apresentada na Escola de Estudos Eslavos e da Europa Oriental da Rússia: 
"Georges Dulac
Université Paul-Valéry Montpellier
POLITIQUE DE CIVILISATION ET COLONIES EN RUSSIE
D’APRES LE DR RIBEIRO SANCHES (1765-1766)
 
Continuação 
 
"1. Critique des méthodes de la «conquête orientale». Selon Sanches, les monarques orientaux, du Grand Cyrus à Gengis Khan, puis leurs successeurs en Europe, ont toujours pratique des méthodes de conquête destructives, réduisant les habitants survivants à la pauvreté et à l’esclavage, et travaillant systématiquement à dissoudre «tous les liens de l’état civil» dans les nations vaincues: [...] ils partageaient les terres de la conquête pour leurs généraux; ceux-ci devenaient alors comme autant de fermiers ou de colons dont les richesses consistent dans le nombre des esclaves, et comme l’esclave est destitué de propriété dans un état formé par la conquête [,] ni la justice ni l’état civil n’étaient [...] connus. (Moyens, p. 4)
La généralisation de la pauvreté et l’affaiblissement de la population étaient le résultat de cespratiques de souverains qui, après leur victoire, «persistaient dans la violence et dans la tyrannie»:citant Montesquieu, Sanches leur oppose les Romains qui «après avoir vaincu, [...] conservaient lapaix par la justice, par l’aisance des peuples conquis, [si bien qu’]ils augmentaient leur puissance»,alors que les orientaux et leurs émules détruisaient eux-mêmes les bases de celle qu’ils auraient pu posséder. D’où ce fait essentiel: toute l’Europe a été gouvernée jusqu’au siècle XII par ces lois de conquêtes orientales, [et] la Pologne et la Russie vivent encore dans ce gouvernement dont les conséquences sont en effet de conserver leurs conquêtes par la pauvreté et le châtiment du sujet. (Moyens, p. 3-4)
Cette notion de «conquête orientale» est fondamentale dans les analyses politiques de Sanches, car elle lui sert à rendre compte de trois ensembles de faits qu’il associe étroitement: en premier lieu les méthodes d’acquisition territoriale pratiquées par les souverains russes pendant des siècles (c’est ainsi notamment qu’Ivan le Terrible a agi avec les royaumes de Casan et d’Astrakhan, imitant Gengis Khan et Tamerlan); en second lieu, l’état actuel de ces territoires et certaines des pratiques qui y ont cours; enfin, l’état social et politique de la Russie elle-même, qui relève encore par beaucoup d’aspects de ce que Sanches appelle dans certains de ses mémoires l’état «militaire» ou «féodal». À propos de cette triple dénonciation, je citerai encore quelques phrases dont la violence et l’ironie donnent parfois au mémoire XII le ton d’un pamphlet. S’agissant d’Ivan IV et de ses successeurs, on y lit par exemple ceci: Il fallait que ces monarques traitassent les habitants d’Astrakhan et de Casan comme ils traitaient leurs propres sujets. Il fallait les rendre pauvres et esclaves; il fallait y abolir toute l’ombre de l’état civil; de là s’ensuivit la désertion; mais alors la conquête est devenue presque inutile.
Depuis que ces deux royaumes sont sous la domination de la Russie, on n’a pas trouvé d’autres moyens de les civiliser que d’obliger les habitants à embrasser la religion chrétienne: on sait les effets qu’a produit de nos jours ce zèle mal entendu: les habitants désertèrent vers les pays voisins avec leurs troupeaux.
[...] Voilà le fruit des conquêtes de la Russie jusqu’à l’année 1700. Elles lui servirent pour augmenter ses déserts, pour détruire ses habitants et pour garder et défendre ces déserts de ses ennemis. (Moyens, p. 10)
Certes Sanches, comme nous le verrons, note que d’autres méthodes plus prometteuses sont apparues au début du siècle, tandis que certaines innovations, à l’intérieur même de la Russie, tendaient parfois involontairement à rapprocher le pays de l’»état civil», sans pourtant que cês changements entraînent d’effets substantiels sur les points les plus décisifs: «Pierre le Grand, écritil par exemple, dans la conquête de Livonie et d’Esthonie imita en quelques points les Romains, mais si imparfaitement qu’elles devinrent à charge à l’empire» (Moyens, p. 11). Notre réformateur se trouve donc justifié à pratiquer une sorte de va-et-vient entre l’état de certains des pays conquis et la situation du pays conquérant, puisque les vices qui les affectent sont pour l’essentiel identiques. Le peuple, les paysans y souffrent des mêmes maux: ils n’ont pas la propriété dês produits de leur travail, et ne connaissent ni liberté ni justice. Pour les uns et pour les autres, les conséquences sont identiques: la pauvreté générale, l’impossibilité d’un développement de l’agriculture qui servirait de point de départ à celui du commerce intérieur et à la multiplication dês activités productives. On a depuis longtemps remarqué que dans les versions successives de l’Histoire des deux Indes, à partir de 1770, la critique du monde colonial renvoyait de plus en plus nettement à celle de la métropole. S’agissant des régions périphériques de l’empire russe, c’est déjà ainsi que procède Sanches: quand se pose le problème de rendre prospères les peuples conquis, pour mieux les attacher à l’empire, on en revient tout naturellement à la question fondamentale de l’état intérieur de la Russie elle-même. Traitant «des provinces où les habitants sont esclaves des seigneurs des terres sans la moindre propriété, [des] nations conquises, comme sont les Tartares de Cuban Astracan Bashkirs, Kirguisi, [sous] l’esclavage ou des seigneurs ou de la Couronne» (Moyens, p. 44), Sanches introduit aussitôt une digression consacrée au «paysan esclave russe». Il s’attache en effet à souligner que si misérable que soit la condition de ce dernier, il existe en droit, et sans que personne s’en soit avisé, une limite virtuelle au «despotisme» dês seigneurs depuis que Pierre Ier a soumis leurs serfs à une taille personnelle. A cause de ces 70 kopecks dont chacun d’eux doit s’acquitter envers la Couronne, celle-ci est fondée à intervenir pour protéger leur activité, afin qu’ils soient en état de payer: l’instauration de cet impôt peut donc être considérée comme «le premier pas qu’elle a fait pour introduire la liberté civile dans l’empire, et la propriété». Puisque d’autres signes précurseurs indiquent que «la Russie depuis le début du siècle marche chaque jour vers la propriété et la liberté», il faut que les peuples conquis puissent être entraînés dans le même mouvement: il espère le voir s’accélérer grâce notamment aux mesures qu’il a préconisées dans d’autres mémoires, et dont la principale est l’attribution et la garantie de la propriété mobilière aux paysans de la Couronne. On examinera donc «par quels moyens on facilitera aux paysans esclaves de payer la taille, comme aux Tartares de Casan et d’Astracan et leur rendre la vie si agréable qu’ils préfèrent la domination russe à toute autre dans l’Orient ou en Bucharie»: on leur ouvrira la voie de l’enrichissement (Moyens, p. 47). Et bien sûr on leur laissera la liberté d’exercer leur religion, en attendant que la prospérité les rendent assez «civilisés» pour souhaiter le baptême... De ce point de vue, le problème primordial de ces pays conquis (ceux qui sont les plus éloignés des conditions politiques et sociales qui leur permettraient de sortir de la misère) ne présente pas vraiment un caractère spécifique: opposant la richesse virtuelle de l’un d’eux et son état présent, Sanches écrit par exemple que malgré «la fertilité du royaume de Casan arrosé par tant de belles rivières [...], l’agriculture [y] est actuellement comme celle du reste dês provinces de Russie, [...] une agriculture de nécessité et nullement une agriculture de commerce» (Moyens, p. 48). Ainsi, parce qu’il se réfère aux lois universelles du développement des sociétés et du progrès économique, ainsi qu’aux exemples historiques qui les illustrent, il pourra parler en termes très voisins des colonies portugaises, où l’on ne s’est jamais soucié d’implanter les activités qui auraient pu enrichir véritablement ces pays en satisfaisant les besoins élémentaires de leurs habitants, avant de leur en créer de nouveaux[5]. Mais cette constatation n’implique nullement que le point de vue reste général et abstrait: bien des détails dans l’évocation de l’histoire et de la condition actuelle de ces peuples suffisent à le prouver, comme aussi la manière dont Sanches aborde le problème plus limité de l’implantation de colonies dans les provinces périphériques de l’empire." (continua)

Sem comentários: